Lettre morte au président de la République, signée : le français agonisant

21- Lettre morte au président de la République, signée : le français agonisant

Dun le Palestel, le 09.12.2022

Monsieur le Président,

Les innombrables lettres ouvertes adressées, à votre épouse d’abord (https://editionsdutroubadour.com/lettre-ouverte-a-madame-brigitte-macron-professeur-de-francais/), puis à l’Académie française, à Radio-France, à France-Télévision ainsi qu’à toutes les écoles de journalismes de France et de Navarre RESTENT LETTRES MORTES. En revanche, l’illusoire ronron autour de la Francophonie continue d’anesthésier et de bercer les citoyens, alors qu’en Afrique ou au Québec, les francophones sont consternés par les fautes qu’ils entendent à la radio et à la télé prétendument « françaises », stations émettant malheureusement de Paris, toutes entorses baignant dans une prosodie arabe ou allemande où, en prime, règne en maître le COUP DE GLOTTE précédant les voyelles initiales. (ex. : « cetHHH ESprit », « tropHHH EXigu », « il étaitHHH INdécis ») HHH représentant une pause suivie d’une attaque… Les locuteurs « intellos » m’ont transformé en une langue hachier, pardon, hachée. Mais pourquoi donc veulent-ils ma mort ? Ne suis-je pas un médium dévoué à Marianne, moi qui la sert depuis Chrétien de Troyes, qui ai parfumé la poésie de Ronsard, assaisonné la prose de Rabelais, enflammé les drames de Victor Hugo ou embelli l’opéra de Lully à Saint-Saëns en passant par Auber ? N’ai-je pas été longtemps l’instrument privilégié de la diplomatie mondiale pour ma concision et ma beauté ?

Dans cette cour de récréation qu’on nomme Paris et où batifolent d’intouchables bobos imbus d’eux-mêmes, qu’ils soient journalistes ou politiques, on ME MASSACRE impunément, moi la pauvre langue de Molière ; et ce sont des « c’est de ça, dont vous avez besoin », des « circonstances dans lequel », des « merci pour être venu », des « on a fait ça depuis deux ans », des « en espérant que ça soit… », des « si vous en êtes d’accord », des « il en va de notre avenir » ou encore des « refonder / refondation » (au lieu de refondre / refonte) etc. etc. Et non content de me piétiner, on me remplace par des tonnes d’expressions ou de mots « étazuniens » qui font chic et que la majorité des Français ne comprennent pas « genre » « cold case », « dead line »,« has been »,« dancefloor », « fashion week », « greenwashing » etc. etc. etc. etc. etc. etc. etc.

Moi, tant qu’à faire, je rêverais qu’on me préfère des expressions ou des mots hongrois, une sœur que j’adore, tels que « megoldatlan ügy »,« határideje »,« keménykednek »,« tánctér », « a hét menő », « zöldre mosás » etc. etc.. mais bon, ça fait péquenaud et on n’y pige que couic…

Les « élites » parisiennes me donnent l’impression d’être, de leur propre chef, à la solde de qui n’a cure de moi, moi le pauvre idiome moribond par leur faute.

Ne pourriez-vous pas conférer à l’Académie française davantage de pouvoirs, et créer un ministère chargé de ma défense ? Il y va de mon proche avenir ! En outre, il importerait que vos services diffusent le Test de Mérimée (lien : https://editionsdutroubadour.com/test-de-merimee-lettre-ouverte-aux-ecoles-de-journalisme/), car les francophones m’y découvriraient sous mon meilleur jour tout en m’administrant d’efficaces remèdes. De plus, ils feraient des progrès…

Sauf votre respect, et sans donner dans la flagornerie, je dois dire que vous êtes le tout premier chef de l’État (depuis qu’il existe des appareils enregistreurs), à avoir une élocution SPONTANÉE NON AMPOULÉE ET FLUIDE.

En vous remerciant à l’avance, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en mon absolue confiance dans votre clairvoyance. 

L. f. a. (= Le français agonisant)

p. p. Ch. Treuil de Montessieu