Lettre ouverte à Monsieur Stéphane Bern, sauver les cimetières juifs

FF- à Monsieur Stéphane Bern, sauver les cimetières juifs

Dun le Palestel, le 03.02.2022

Des tombes nous proviennent les appelsAu secours, הצילו (hatsilou)

sauvez-nous ! ! הצל אותנו (tatsil otsanou) – Hilfe, rettet uns!

Cher Monsieur Bern,

Comme je ne vis pas loin de la frontière allemande, une heure et demie m’a suffi pour aller à Worms, ville où étudia Rachi, le Salomon de Troyes (11ème siècle), et qui fut, un temps, la Jérusalem de l’Europe. Après avoir visité la cathédrale Saint-Pierre, évoquée dans le Nibelungenlied, je me suis rendu au cimetière juif, un vaste parc arboré digne du Midsummer Night’s Dream… ; il faut dire que cette magnifique nécropole, qui abrite des tombes vieilles de mille ans, est remarquablement bien entretenue, et qu’elle accueille des visiteurs venus du monde entier désirant déposer mots et cailloux sur certaines stèles. Fait curieux (et heureux), ce cimetière fameux n’a pas souffert des horreurs de la dernière guerre.

En matière de conservation, il est rassurant de constater que l’université de Heidelberg y détache des chercheurs chargés d’étudier les épitaphes, même celles qui sont à peine lisibles, à l’aide d’appareils électroniques sophistiqués, ce pour en pérenniser les libellés et, surtout, pour garder vivace le souvenir de personnages célèbres ayant marqué la culture juive. J’ai eu la même impression de respect de la mémoire dans les nécropoles juives de Hambourg, de Berlin ou de Francfort…

Par comparaison, j’ai visité un grand nombre de cimetières juifs en Alsace, et suis loin de faire le même constat… Mis à part ceux de Rosenwiller ou de Haguenau, les quelque 70 autres, comme à Saverne ou à Marmoutier, respirent la désolation : stèles ou dalles renversées, en morceaux ou presque entièrement englouties par le sol, épitaphes ou ornements rongés par la pollution, les mousses et les ans, végétation pléthorique ou arbres abattus par les tempêtes… Tout bien considéré, il s’agit, là aussi, de profanations, même si ce ne sont que les injures du temps.

Comment faire pour éviter que toutes ces sépultures ne tombent dans l’oubli après s’être dégradées au fil des années ? Quels moyens pourraient-ils être mobilisés ?

Le monde occidental, l’Europe en particulier, a pu se construire grâce au très riche substrat que représente le judaïsme ; alors rendons grâce à ce dernier en faisant de ses lieux de mémoire des endroits décents.

Vous remerciant de votre attention et vous souhaitant tout le bonheur du monde, je vous adresse, cher Monsieur Bern, mes salutations les plus cordiales.

Ch. Treuil de Montessieu,

un Européen passionné