Lettre ouverte à Monsieur Alain Perroux, directeur de l´ONR

Lettre ouverte à Monsieur Alain Perroux, directeur de l´ONR

Le 26 janvier 2020

Pris en otage, au secours ! Le « Regietheater » voué aux gémonies nippones… L’Opéra National du Rhin se meurt,

séquestré qu’il est par des metteurs en scène tyranniques, véritables entreprises de démolition, qui imposent leurs lois délétères à la Direction du théâtre et au public ; or celui-ci est composé d’agneaux (et de journalistes) qui, ne se rendant compte de rien, cautionnent les méfaits des dictateurs susnommés. Ils ignorent que ces cuistres seraient bien incapables de composer eux-mêmes des opéras, préférant s’en prendre au grand répertoire pour le dépecer dans les règles. Trois mille ans de culture sont ainsi anéantis au nez et à la barbe des élus, lesquels sont impressionnés par les grands airs que se donnent les coupables à défaut de savoir en composer.

Et les pauvres agneaux sont à mille lieues d’imaginer que ce sont leurs impôts qui servent à financer ces immondes spectacles subventionnés. Encore 12 spectateurs (nous sommes une bande de copains mélomanes échaudés de nombreuses fois dans votre théâtre) qui déserteront définitivement ladite salle, cher Monsieur Perroux. A moins que vous n’annonciez une ère nouvelle, par exemple par le biais d’un…

…regain d´amour pour l´art lyrique

L´idéal serait de concurrencer le 7ème art en réalisant des mises en scène à la fois fidèles à l´esprit de l´œuvre et rivalisant d´effets spéciaux à couper le souffle ; pas besoin de beaucoup d´argent, souvent des éclairages appropriés suffisent amplement. Les Deus ex machina ont longtemps ravi les princes, pourquoi cracher dessus ? On n´ouvrirait le rideau qu´après le prélude ou l´ouverture, et là, le public serait médusé par d´époustouflants décors et par d´impressionnants jeux de lumières ! En tant que spectateur, je redeviens un enfant et n´ai aucune envie de me lancer dans de grandes cogitations : ce n’est pas de la nourriture pour matière grise, qu’il me faut, mais de l´évasion ou du rêve, comme au cinéma… Si ça me chante, et c’est en général ce qui se passe après un film, j’ai tout loisir d’en faire l’analyse avec des amis.

Au voleur ! Remboursez ! Ce n´est pas du champagne !

Je viens de payer assez cher ma place pour voir Parsifal, or on me montre autre chose. C’est exactement comme si j’achetais une bouteille de Veuve Clicquot grand cru, que je la sabre avec des amis et que nous constations que nous nous sommes versé du jus de betterave ! J’ai donc été grugé et on ne m’y reprendra plus.

Parsifal blessé à mort par un cuistre ! Herzeleid meurt une seconde fois…

Dépoussiérons le Kojiki et le Nihon Shoki.

En allant assister à Parsifal, je me réjouissais de me plonger dans ce fameux univers magique tenant du conte de fées, or c’est à un spectacle plus que médiocre que j’ai assisté, débutant en plein prélude (!) par une curieuse scène avec une vieille dondon à poil. Souhaiteriez-vous, monsieur Miyamoto, que je revisite vos merveilleux Kojiki et Nihon Shoki de la même façon ? Izanagi et Izanami seraient entièrement nus ; Ame no nuhoko, la Lance Céleste, serait portée par un Izanagi ityphallique, je leur ferais visiter le musée d’Art Moderne de Strasbourg, lequel serait rempli de visiteurs SS et d’hommes de Cro-Magnon en train de se livrer à des orgies, et Hirohito mènerait la danse en mangeant de la choucroute. Vous m’aideriez ? Ou bien y verriez-vous un blasphème ?

Metteurs en ob-scène

Quelqu’un aurait crié « bullshit » lors de la générale (déjections de bovin) : j’ai regretté que cela n’en fût point… Ce qui a été exhibé sur le plateau dépassait l’entendement en termes d’ignorance, de contresens et de vanité. Liberté, liberté chérie, dans nos démocraties, celle des metteurs en obscène ne connaît aucun tabou, aucune limite ; heureusement que le spectateur est libre également de faire part de son écœurement…  

Achtet mir die Meister nur ! (= Ne faites pas l’impasse sur nos maîtres !)

Grâce à la non-compréhension des romans de Chrétien de Troyes et de Wolfram von Eschenbach, et de la culture qu’ils représentent (encore faudrait-il maîtriser le français et l’allemand), un génie malfaisant s’est attaqué au livret de Richard Wagner et en fait ressortir tout le mauvais goût et les idées puériles. Il n’a oublié qu’une chose : faire débuter son prélude par une valse, et y mêler, ressemblance aidant, le « Beau Danube bleu » de J. Strauss… Ben oui, pourquoi ne pas massacrer la musique aussi, tant qu’on y est ?

Et si ce metteur en scène avait raison ?

(Je me fais l’avocat du diable, puisque j’aime le Parsifal de Wagner, autant d’ailleurs que Perceval le Galois de Chrétien de Troyes, et le Parzival de von Eschenbach…)

Il faut bien dire que le dernier opéra de Wagner est assez grotesque, avec ces histoires de « chaste fol » accédant enfin à la compréhension par l’empathie ; tout ce fatras de plaie, de sexe, de Graal et de lance sacrée est insupportable ! Et puis cette musique annonçant Phil Glass avec ses redondances incessantes et son minimalisme… D’accord, elle n’est pas inintéressante, mais une heure aurait suffi…

Aucun rapport avec la choucroute

En tout cas, un grand merci au metteur en scène d’avoir fait ressortir la médiocrité de l’ouvrage au moyen d’images loufoques, vulgaires ou anachroniques ; en fait, il a fait comprendre que Parsifal n’était qu’une grosse choucroute, ce en ressassant au fil du propos qu’il n’y avait aucun rapport avec, précisément, la choucroute.

J’ai hâte que monsieur Miyamoto compose lui-même un opéra, à n’en pas douter, il sera magnifique… surtout si l’absence de rideau s’ouvre sur une grosse mémère dans le plus simple appareil, dondon qui ne serait rien moins que la mère dudit Izanagi cité plus haut.

Petit conseil du maestro Richard Wagner à Amon Miyamoto :

Ne faites pas l’impasse sur nos maîtres !

Procurez-vous une bonne traduction du livret de Wagner, et vous constaterez qu’à la fin du 1er acte, Parsifal ne montre absolument aucun signe d’empathie ! Il ne pousserait sûrement pas le fauteuil roulant d’Amfortas, puisqu’il reste là, le visage vide d’expression, ce qui incite Gurnemanz à lui conseiller d’aller garder les oies. De plus, renseignez-vous sur la date de l’invention des fauteuils roulants… Et aussi sur ce qu’est une châsse (Schrein en allemand), notamment celle qui contient le graal… Sauriez-vous dire mon Parsifal n’a aucun rapport avec la choucroute en japonais ?

Petit conseil au traducteur des sur-titres

Il est essentiel de traduire der reine Tor par le chaste fol, l’expression qu’avait imaginée Alfred Ernst à l’époque de Wagner… Votre un pur, un innocent ne rend absolument pas l’idée.

Vincent Lepalestel