Strasbourg, le 06.10.2023
Chère Madame, chère consœur,
C’est en ma qualité de linguiste d’expression française vivant dans l’Hexagone que je me permets de vous écrire, alors que mon anglais est médiocre comparé à votre français, et que je n’oserais même pas m’exprimer en public dans votre idiome…
Si j’ai beaucoup apprécié vos interventions au sujet du franglais, sur le plateau de BFM avec Laurent Ruquier, un détail m’a frappé : vous avez été contaminée par le virus de la pandémie du « est-ce que », un germe délétère véhiculé par l’ensemble des médias, à Paris.
Je m’explique : pendant mes années d’enseignement du FLE, j’expliquais à mes étudiants que la locution « est-ce que », qui est dépourvue de signification, n’était qu’un « câble de rallonge » lorsqu’on pose une question, soit pour être mieux entendu, soit pour attirer l’attention. Si, du 5ème étage, je crie à quelqu’un resté dans la rue « tu peux m’acheter du pain ? », il risque de n’entendre que « acheter du pain ? » . Ainsi vais-je « mettre la rallonge » et demander « est-ce que tu peux m’acheter du pain ? » La seule fonction de cette formulation est donc de renforcer la question directe.
Or toutes les « élites » françaises s’exprimant devant un micro éprouvent le besoin de placer ladite locution absolument partout, même quand cela n’est pas justifié !
Exemple : « vous pouvez me dire quand est-ce que vous viendrez ? » / « je me demande est-ce qu’il est là »
Il est consternant de constater que tous les journalistes de la presse parlée française IGNORENT cette règle de syntaxe, se vautrant dans les solécismes et autres barbarismes . en effet, vous l’aurez remarqué, c’est loin d’être la seule horreur…
Peut-être pourriez-vous contribuer à ce qu’il y ait enfin, à ce sujet, une prise de conscience, à Paris… Vous, on vous écoutera sûrement davantage que moi, avec mes lettres ouvertes qui restent le plus souvent lettres mortes.
En voici trois parmi les dizaines que j’ai mises et continue de mettre en ligne :
Pardon d’avoir été si long, mais vous avouerez que ma petite remarque ne pouvait se résumer à une seule ligne…
Très cordialement,
Vincent Lepalestel
docteur en Sciences du Langage
Strasbourg