ou bien : Verdi et Wagner, une amitié indéfectible
184 pages – pièce tirée du roman-bouffe Le Dîner de Paris
Auteur : Vincent Lepalestel
V e r s i o n A5 – édition corrigée et augmentée
EAN 978-2-9581926-4-8
L’illustration représente Natalie Clifford Barney devant le Temple de l’Amitié du 20 rue Jacob à Paris.
Tutto nel mondo è burla
Ici, point de statue du Commandeur, point de Festin de Pierre, puisque tout est farce en ce bas monde, « Tutto nel mondo è burla » ainsi que se conclut le Falstaff de Verdi ; c’est précisément de ce compositeur qu’il est question dans cette comédie en 2 actes précédés d’un prélude. Mais ledit musicien donne la réplique à son ami de longue date, à savoir Richard Wagner.
Il s’agit ici de la version scénique du Roman-Bouffe éponyme (Le Dîner de Paris paru en août 2017), lequel a eu droit à un article de Christophe Rizoud dans ForumOpéra. Cette pièce transforme en acteurs de chair et de sang non seulement les personnages authentiques des 9 lettres apocryphes (Golo Mann, Alma Mahler, Franz Werfel, Siegfried et Cosima Wagner, Arrigo Boito, Emanuele Muzio, Giovanni Boldini, Sir Francis Seymour Haden, James Whistler et Giuseppina Strepponi), mais aussi Henri Fantin-Latour, en grande conversation avec de célèbres comédiennes du Théâtre-Français qui reviennent juste du Père-Lachaise où elles ont fleuri la tombe de leur consœur, Mademoiselle Élisa Rachel Félix, la grande tragédienne décédée deux semaines auparavant, ou encore Camille Saint-Saëns, Edgar Degas, Gustave Moreau, Charles Baudelaire, Théophile et Judith Gautier, Hans Christian Andersen et bien d’autres… En fait, on se retrouve devant une galerie de portraits du genre de ceux que réalisait Fantin-Latour dans Un atelier aux Batignolles, par exemple.
Pour annoncer le déjeuner que partageront Verdi et Wagner à Paris, deux salonnières reçoivent du beau monde : Cosima et Siegfried Wagner, Arrigo Boito, Franz Werfel et Alma Mahler, Giovanni Boldini, entre autres…
Avant d’être transporté, comme par magie, dans le salon de Malwida von Meysenbug, à Berlin, on se retrouve dans le cadre feutré de la salonnière Natalie Clifford Barney (« l’Amazone » éprise de la Mytilène d’antan…), au 20 rue Jacob à Paris ; grâce à cette richissime Franco-Américaine, on va alors assister à la toute première projection cinématographique sonorisée de l’Histoire, une phonoscène, film permettant de voir et d’entendre certaines des personnalités citées plus haut… A en croire madame Barney, cette phonoscène a été réalisée par Alice Guy-Blaché, la première réalisatrice du monde, assistée de Léon Gaumont. Les fantômes de Talleyrand, d’Antonin Carême et d’Oscar Wilde font également de brèves apparitions dans ce film…
Au tout début de la pièce, on est en 1971, le prélude nous convie à une conversation entre ladite Natalie Clifford Barney et Golo Mann devant le Temple de l´Amitié du 20 rue Jacob (au fond du jardin, côté rue Visconti), une adresse qui, pendant des décennies fut un chaudron culturel de la vie parisienne ; le Gotha, gay ou non, de la littérature et des arts en général s´y retrouva pour refaire le monde chez la belle Amazone… Au cours du premier acte, une mise en abyme nous conduira de 1971 à 1910, puis à 1889, avant d´arriver à 1858.
Verdi et Wagner déjeunent ensemble le 17 janvier 1858
Car le plat de résistance de ce drame ludique est constitué d´un tête-à-tête entre Verdi et Wagner, le 17 janvier 1858, à l´estaminet lyrique Le Dîner de Paris. Le long dialogue est entrecoupé par les apparitions de stars du Tout-Paris de l’époque ; on y refait le monde mais, surtout, on y glorifie la culture occidentale et les prouesses et autres miracles de l’art lyrique… Rêvant à haute voix et à deux, Wagner et Verdi y magnifient un grandiose modèle de mise en scène d’opéra qui pourrait fort bien concurrencer, avec ses Deus ex machina et ses arcs électriques, le 7ème art d’aujourd’hui… Et que dire de l’univers interlope auquel appartiennent nos deux compères ? En outre, pour qui ignorait que Verdi fût un Prussien et Wagner un Méditerranéen très français, cette pièce comporte un certain nombre de scènes inattendues…
AVIS AUX ALLERGIQUES AUX CONTREPÈTERIES et autres calembours parfois de bas étage, rencontrés dans cet ouvrage : ils ne sont nullement le fait de l’auteur ! Ces esprits chagrins vont, par la présente, apprendre, d’une part que Wagner était surnommé par ses connaissances « le rigolo » (der Witzbold), notamment parce qu’il affectionnait les jeux de mots et les facéties. Eh oui ! Difficile à croire, mais ce brave Richard était un passionné de randonnées en haute montagne et, surtout, d’escalades dans les… arbres !
Que ces intolérants à l’esprit gaulois découvrent ensuite que, pendant des décennies, les restaurants ou les estaminets parisiens se sont adonnés à des joutes « littéraires » : c’était à celui qui, sur la carte de ses menus, afficherait les calembours les plus drôles ou les tournures les plus inattendues. Tiens tiens tiens, difficile à croire aussi : ce grand Latin qu’était Verdi détestait les… jeux de mots et autres calembours qu’il entendait chez nous !!! C’est la raison pour laquelle je parle volontiers de Verdi le Prussien et de Wagner le Méditerranéen bien français…
Quoi qu´il en soit, les maîtres-mots sont ici : glitter and be gay ainsi que the importance of being earnest…, le tout dans une ébriété de bon aloi, et tout y finit par des chansons, comme chez Beaumarchais.
Comme cette version XL serait difficilement interprétable sur scène (plus de 3 heures), l’auteur en prépare une plus courte…