Strasbourg, le 10.02.2024
Objet : appel à une refonte de l’école ; d’ailleurs, l’intitulé erroné « Conseil national de la refondation » devrait, noblesse oblige, être rectifié ; en bon français, il devrait s’appeler « Conseil national de la refonte »
Madame la Ministre,
Voilà quelques décennies que l’École, cette colonne vertébrale de la République, souffre d’un abandon caractérisé et que tout s’y fait en dépit du bon sens ; cela se ressent particulièrement dans l’enseignement de notre langue, puisque de nombreux professeurs, du primaire comme du secondaire, s’expriment dans un français approximatif (cf. Test de Mérimée).
En raison d’un irresponsable laxisme gouvernemental, on a capitulé devant l’invasion massive de barbarismes et de solécismes issus des cours de récréation et de quartiers défavorisés ; en une trentaine d’années, ces fautes ont contaminé la sphère publique et se retrouvent dans la bouche des personnalités politiques et des journalistes de la presse parlée. Par un effet d’amplification dû au centralisme des médias, et par mimétisme, un français de plus en plus rudimentaire et truffé d’anglicismes a fini par gagner le reste de la population et met la francophonie en danger.
Il est grand temps d’endiguer ce délabrement systématique aux allures de dictature de la médiocrité ! À fascisme, fascisme et demi : ainsi le Ministère pourrait-il imposer aux dictionnaires Larousse et autre Robert un code de déontologie. Il s’agirait d’y revenir aux règles fondamentales du français (arbitrairement les règles en vigueur en 1920) en faisant fi des exceptions énumérées par le Grevisse, par exemple, et de cesser d’y accueillir chaque année, par démagogie mercantile, toutes sortes de vocables fluctuants nés dans nos rues ; en effet, nombre d’entre eux proviennent d’horizons linguistiques variés et apparaissent fréquemment dans la bouche d’illettrés. Or ces derniers auraient précisément besoin d’apprendre à bien parler ! C’est dire à quel point nous marchons sur la tête… Ce n’est pas aux dictionnaires, de s’adapter, mais aux apprenants.
Il serait grand temps que, durant leur formation, les futurs enseignants de tous les cycles se voient soumis à de sévères contrôles continus en français, une discipline qui serait affectée du coefficient le plus élevé ; il tombe sous le sens que l’on n’entendrait plus, alors, leurs propres professeurs jacter 🙂 de la façon suivante : « En espérant que vous ayez saisi, demandez-vous qu’est-ce que l’auteur a voulu dire ; c’est de la phrase dans lequel on trouve ce mot, dont il veut parler. » Aussi inquiétant que cela puisse paraître, c’est EXACTEMENT AINSI QUE S’EXPRIMENT DE NOMBREUX INTELLECTUELS FRANÇAIS EN CETTE ANNÉE 2024, et personne n’intervient !
(Ce petit aperçu est extrait du Test de Mérimée cité plus haut.)
Ah, et par amour pour notre si bel idiome, qu’il soit à nouveau enseigné aux bambins non seulement à lire à haute voix en faisant toutes les liaisons licites, mais aussi à réciter par cœur nos grands classiques de la poésie en respectant la prosodie.
Vous remerciant d’avoir bien voulu lire ces lignes, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.
P. S. : s’il est physiologique qu’une langue évolue, un tel processus recouvre des siècles, et non quelques semaines comme en France. Ces micros parisiens servant de mégaphones aux médias sont coupables de saccages, alors qu’ils pourraient servir à propager UNE LANGUE RICHE ET SOIGNÉE refaisant de notre culture un phare du monde. Vite, prenons le français sous notre aile…
.
Vincent Lepalestel
docteur en Sciences du Langage