VOYELLES EN PÉRIL, massacre des liaisons, agonie du français, journalistes frileux

Le 27.03.2025

VOYELLES EN PÉRIL

EURO, mot à l’origine de tous les maux ! Alors que tout le monde prononce H2O « ach deuzo » en faisant la liaison, on est devenu frileux pour « deux euros », qu’on s’est mis à éructer en « deu euros » ; les journalistes de la presse parlée s’en sont fait l’écho avant de répandre le virus, lequel a contaminé d’autres mots courants, ainsi « deu avril / deu août », « vingt-deu élèves », « trente-deu hommes ».

Une fois installé, ledit germe fait des ravages en piégeant les locuteurs ignorants de l’orthographe ; craignant de ne pas être compris, ils articuleront « deu euf » au lieu de « deu zeu », au mépris de l’opposition phonétique « un œuf / dix œufs ». Le même phénomène se retrouve avec le mot « os », puisqu’au lieu de prononcer « un noss » / « deu zo », tout devient « oss », ainsi : « deu zoss / six zoss, deux-cent-six zoss ».

Et le virus de contaminer les anciennes liaisons en T ou en S, comme avec les mots « CENT / CENTS » ; cela vous donnera des « cen euros », « cen euf », « cen oss », « trois-cen hommes », « quatre-cen élèves » etc.

Bref, du grand n’importe quoi !

Une fois la gangrène installée, que faire de « deux cent six os » ? Nombre de gens causant dans le poste hésitent à faire la liaison, car on entend « ciseaux », ce qui pourrait porter à confusion… Comment traiter alors « elle a perdu les os » par rapport à « elle a perdu les eaux » ? ou encore « elle apprécie les zoos » ? OR LA VOILÀ, NOTRE BELLE LANGUE FRANÇAISE AVEC SES INNOMBRABLES JEUX DE MOTS !

Aidons les frileux journalistes à se familiariser avec les homonymies si typiques de notre idiome, autant de sonorités à l’origine de nombreux calembours exquis et des fameuses contrepèteries représentant un patrimoine d’une grande richesse… Souvenons-nous de Rabelais, du marquis de Bièvre ou de Brisset… N’est-il pas merveilleux de créer des malentendus comme « ma bouchère a perdu les os et trouvé les ciseaux » ? ou « ce nourrisson qui éructe a un problème d’euros » ? ou bien encore « ce vieil armagnac offert par un vieillard » ? Gens de micro, savourez donc les trois phrases suivantes : « elle pare les coups / elle pare les cous / elle parle et coud »…

Vite, prenons le français sous notre aile…

Vincent Lepalestel

 

 

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